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Sénégal: Deux trajectoires face au mur de la dette Par Pr Amath Ndiaye FASEG-UCAD


Rédigé par Kamalenba le Lundi 15 Décembre 2025 à 01:13

Sénégal: Deux trajectoires face au mur de la dette Par Pr Amath Ndiaye FASEG-UCAD
La publication du projet de loi de finances 2026 dévoile l’ampleur de l’urgence : le Sénégal affiche un besoin brut de financement de 6 075,2 milliards FCFA, soit près de 37 % du PIB, toutes composantes confondues — amortissements de la dette, déficit budgétaire, arriérés, emprunts rétro­cédés. Le service de la dette, lui, absorbe déjà une part disproportionnée des recettes : 4 307,4 milliards pour l’amortissement du capital et 1 190,6 milliards pour les intérêts et commissions. Ces montants dépassent largement les investissements publics prévus et menacent la soutenabilité financière de l’État.

Par ailleurs, la détérioration de la notation souveraine et la hausse des rendements exigés sur les eurobonds rendent aujourd’hui quasi impossible un refinancement extérieur dans des conditions raisonnables. Face à ces contraintes, deux trajectoires se dessinent clairement pour l’économie sénégalaise.

Scénario 1 — “Statu quo risqué / autofinancement forcé”

Privé d’accès crédible aux marchés internationaux, l’État serait contraint de recourir massivement à la dette intérieure : banques commerciales, institutions nationales, financements domestiques. Mais cette stratégie est lourdement grevée d’effets pervers.

Fragilisation du secteur bancaire : les banques, déjà fortement exposées à la dette publique, verraient leur bilan comprimé. Toute dégradation des titres d’État ou un défaut partiel pourrait déclencher une crise bancaire.
Crise de liquidité et pénurie de devises : le remboursement en devises de la dette extérieure, combiné à un déficit persistant de la balance des paiements, risque d’épuiser les réserves — menaçant les importations essentielles (énergie, biens stratégiques), et isolant encore davantage le pays.
Effet d’éviction majeur : avec des dépenses totales proches de 7 434 milliards FCFA (charges courantes + masse salariale + dette), le budget 2026 ne laisse guère de marge pour l’investissement public ou le soutien à l’économie réelle. Le BTP, les infrastructures, les projets structurants seraient sacrifiés.
Stagnation économique et pression sociale : sans relance, peu d’investissements, peu d’emplois ; tandis que la dette continue de croître, le pays s’enfonce dans l’asphyxie.

En Conclusion le pays est pris dans un cercle vicieux de dette et de fragilité économique.

Scénario 2 — “Restructuration et relance : transformer la dette en levier”

Face à l’impasse, une alternative structurée s’impose. Elle combine :

Renégociation de la dette (intérieure et extérieure) : allongement des maturités, réduction des taux, suspension ou étalement du service de la dette. Un accord et un accompagnement du FMI seront indispensables.
Réduction d’au moins 20 % des dépenses de fonctionnement de l’Etat : plafonnement des budgets des ministères et institutions, sans toucher aux salaires, pour dégager des marges.
Réallocation des économies vers l’investissement productif : priorité au BTP, aux infrastructures, à l’électricité, l’eau, le logement, la voirie… relancer l’économie réelle, créer des emplois, moderniser le pays.
Accompagnement par la banque centrale de l’espace franc CFA : utilisation des mécanismes existants (via la BCEAO) pour stabiliser le système bancaire et sécuriser la liquidité, sans créer de fonds ad hoc coûteux.
Maintien de la stabilité sociale : éviter toute hausse des prix (énergie, biens de consommation), préserver le pouvoir d’achat, apaiser les tensions sociales entretenues par les étudiants, les travailleurs et les diverses couches de la population (secteur informel).

Les effets escomptés

Allègement significatif du fardeau de la dette.
Relance du secteur BTP, création d’emplois, dynamisation de l’économie.
Augmentation des investissements publics, amélioration des infrastructures.
Restauration progressive de la confiance des marchés et des investisseurs.
Reconstitution possible des réserves, amélioration de la balance des paiements, renforcement de la résilience macroéconomique.

En clair : la dette, de contrainte, pourrait redevenir un levier de développement — à condition d’agir vite, en profondeur, et avec courage politique.

Quel choix pour le Sénégal ?


Continuer dans la voie du statu quo, c’est accepter l’asphyxie progressive : dette galopante, insuffisance d’investissements, crise de liquidité, stagnation économique, tensions sociales accrues.

À l’inverse, choisir la restructuration offre une chance réelle de redresser les finances publiques, de relancer l’économie, de générer de la croissance, de l’emploi, des infrastructures, et de préserver la souveraineté financière du pays.

Dans le contexte actuel, le scénario 2 apparaît comme la seule trajectoire crédible et responsable.



Bio express de Pr Amath NDiaye / FASEG-UCAD

Prof. Amath Ndiaye est un éminent économiste sénégalais, titulaire d’un Doctorat d’État en Sciences Économiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (2001) et d’un Doctorat de 3e cycle en Économie du Développement de l’Université de Grenoble, France (1987). Depuis 1987, il enseigne à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Expert reconnu, il a collaboré avec des institutions prestigieuses telles que la Banque Africaine de Développement, la Banque Mondiale, et le FMI, se spécialisant notamment dans les domaines des taux de change, de la croissance économique, et du développement institutionnel. Il était expert-membre du comité de pilotage de la Commission de l’Union Africaine pour la Création de la Banque Centrale Africaine.. Prof. Ndiaye est l’auteur de nombreuses publications influentes, notamment sur les régimes de change et la croissance économique en Afrique de l’Ouest. Trilingue, il maîtrise le wolof, le français et l’anglais.


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