Pathé Badiane (1865) : Quand l’Alliance de Maba et Lat Dior Fait Reculer la Colonisation Française

Le Contexte : Un Marabout, Un Djihad, Une Frustration Populaire
Dans la seconde moitié du XIXᵉ siècle, la région du Rip-Badibou (actuel Saloum) était mûre pour le changement. Les populations paysannes étaient étouffées par un système ceddo fragilisé, par les razzias incessantes et les pratiques d’asservissement.

C'est dans ce contexte de crise sociale et politique que Maba Diakhou Bâ émerge. Dès 1861, son Djihad (guerre sainte) s'étend, fondé sur la foi, la justice sociale et la volonté de libérer les opprimés. Il devient l'Almamy du Rip-Badibou, structurant un État doté :

D'une armée disciplinée.

D'un réseau de renseignement efficace.

De fortifications locales.

Le Tournant Stratégique : L'Alliance avec Lat Dior
L'arrivée de Lat Dior en 1864 marque un tournant crucial. Déchu de son titre de Damel du Cayor par le gouverneur Louis Faidherbe, Lat Dior trouve refuge auprès de Maba. Son ralliement, accompagné de guerriers aguerris (comme Alboury Ndiaye et Bounama Dior), renforce considérablement la puissance militaire du Rip.

L'ambition de Maba dépasse dès lors la simple réforme religieuse : il vise à constituer un bloc sénégambien cohérent capable de contenir la progression coloniale française. Cette montée en puissance alarme les autorités de Saint-Louis.

La Rupture et la Réaction Coloniale
Malgré un traité de paix signé en décembre 1864, les relations s'effritent rapidement :

Rejet de la demande française d'expulser Lat Dior.

Annexion unilatérale du Cayor par la France en janvier 1865.

Expansion continue du Rip vers Mbacké et le Djolof, où Maba est célébré.

Faidherbe est rappelé et remplacé par le colonel Pinet-Laprade, qui hérite d'une situation explosive. En novembre 1865, Pinet-Laprade décide de prendre l'initiative en lançant une expédition punitive contre le Rip, mobilisant une colonne de plusieurs milliers de soldats.

La Stratégie de l'Embuscade à Pathé Badiane
Grâce à l’infiltration réussie de l’agent Bocar Alpha Kane, Maba et Lat Dior sont parfaitement informés des forces ennemies. Lat Dior élabore alors une stratégie d'embuscade ingénieuse pour piéger la colonne française.

Cette tactique s'appuie sur :

Le contrôle des points d’eau.

L’utilisation de tranchées parallèles.

Des mouvements d’encerclement.

La neutralisation anticipée de l’artillerie coloniale.

Le 30 novembre 1865, à l’aube, la colonne française s'engage dans le ravin de Paos Koto, seule voie vers Nioro. Les troupes du Rip sont en embuscade.

La Victoire du Rip et la Déroute Française
L'affrontement est brutal. La manœuvre de Lat Dior est un succès retentissant :

L'artillerie française subit de lourdes pertes et deux canons sont capturés.

Plusieurs officiers, dont le Capitaine Croizier, sont tués.

Le gouverneur Pinet-Laprade est grièvement blessé à l’épaule.

L’avant-garde française recule, désorientée par les assauts et le harcèlement continu mené par Lat Dior.

En fin de journée, face à l'échec de toutes les tentatives pour avancer vers Nioro, Pinet-Laprade est contraint d’ordonner la retraite vers Kaolack. L'opération coloniale se transforme en déroute.

La bataille de Pathé Badiane illustre la capacité des forces locales à vaincre une colonne coloniale moderne. Elle renforce le prestige de Maba et consacre l’alliance stratégique avec Lat Dior. Elle reste un symbole de l’ambition politique de Maba Diakhou Bâ : créer une entité sénégambienne unifiée pour défendre sa souveraineté face à la domination étrangère.