Fadilou Keita : « Repositionner la CDC comme bras stratégique de l’État »
Après 15 mois à la tête de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), Fadilou Keita dresse un bilan sans langue de bois. Entre réformes de gouvernance, relance de projets gelés, structuration de filiales stratégiques et vision claire d’un financement souverain de l’économie, le directeur général veut faire de la CDC un levier central du développement territorial. En tant qu’ancien directeur de campagne d’Ousmane Sonko, il ne cache pas non plus son engagement politique et sa volonté de changement profond.
L’un des symboles forts de sa gestion est la relance d’un vaste programme foncier à Bambilor, initié en 2010 mais resté bloqué depuis des années. Grâce à une meilleure coordination, une restructuration du projet et une récupération des titres fonciers, 1 406 premières parcelles sont désormais prêtes à être livrées, sur un total de 4 600. Pour Keita, il s’agit de réparer une injustice envers les Sénégalais qui avaient immobilisé leurs économies depuis plus d’une décennie.
Sur le plan interne, Keita a entrepris une refonte de la gouvernance : nouvelle commission de surveillance, audit externe par l’IGE et KPMG, plan social, redéploiement du personnel, réduction des fonctions supports (80 %) au profit des métiers stratégiques. Il dénonce l’ancienne gestion : placements dans des comptes courants d’actionnaires, engagements dans des projets non rentables, participations minoritaires sans contrôle.
Parmi les projets structurants, il cite la reprise du chantier de la Tour des Mamelles, laissée à l’abandon. Le contrat a été résilié et une entreprise turque expérimentée prendra le relais. Une autre dynamique est enclenchée aux Mamelles avec un concours d’architecture ouvert aux architectes sénégalais. À Bambilor, ce sont 100 PME locales qui ont été mobilisées pour accélérer la construction des logements.
Fadilou Keita veut également doter la CDC de nouveaux instruments financiers. Deux filiales sont en cours de création : une pour l’agriculture (réduction des pertes post-récoltes, stockage, etc.) et CDC Capital, dédiée à la structuration de financements longs et concessionnels, en lien avec les fonds de pension. Objectif : financer les collectivités territoriales et valoriser le foncier hors de Dakar.
Il plaide pour que la CDC puisse capter les fonds de retraite, à l’image de ses homologues marocaines et françaises, afin de stabiliser ses ressources et investir dans des projets à long terme. Il cite l’exemple du Bénin, dont la CDC, bien plus jeune, a déjà mobilisé 1 100 milliards FCFA, contre à peine 700 au Sénégal en 20 ans, grâce à ce levier.
Sur le plan politique, Fadilou Keita assume son positionnement : militant de Pastef, radical dans ses convictions, proche d’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Il insiste sur la nécessité d’allier vision politique et efficacité administrative, pour pérenniser le projet. Il annonce vouloir travailler sur des causes nationales, à commencer par l’éducation, afin de mobiliser les Sénégalais autour de priorités collectives.
Enfin, il reste évasif sur ses ambitions électorales à Kaolack, sa ville natale, mais affirme qu’il sera de ceux qui porteront la conquête des territoires pour Pastef en 2026. Son cap : faire de la CDC la première institution d’investissement public du Sénégal dans les 3 à 5 ans.
