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Diplomatie sénégalaise : Entre rupture souverainiste et héritage républicain

Rédigé par Kamalenba le Mardi 20 Mai 2025 à 01:43

Le débat sur l’orientation diplomatique du Sénégal prend un nouveau tournant, à la croisée de la rupture idéologique prônée par Ousmane Sonko et de la défense de la tradition républicaine incarnée par Bougane Guèye et Yoro Dia. À l’heure où la région ouest-africaine est marquée par des recompositions géopolitiques profondes, le Sénégal s’interroge sur le sens et la portée de sa place dans le concert des nations.


🧭 Sonko, la souveraineté comme boussole


Dans une déclaration remarquée, Ousmane Sonko a récemment affirmé que « c’est à nous de donner un contenu à notre souveraineté », appelant à une réappropriation complète des leviers de décision nationale, y compris la défense, l’économie et la diplomatie. L’annonce du retrait des bases militaires étrangères du Sénégal d’ici juillet 2025 s’inscrit dans cette dynamique de rupture. Le Premier ministre revendique un ancrage idéologique assumé, inspiré de figures panafricanistes comme Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba et surtout Mamadou Dia.


Sonko considère que la souveraineté ne peut rester un slogan théorique : elle doit se traduire par des actes concrets de décolonisation des esprits, des institutions et des alliances. Le rapprochement stratégique avec les régimes de l’Alliance des États du Sahel (AES) (Burkina Faso, Mali, Niger) illustre cette volonté de repenser les alliances en dehors des cadres classiques.
 

⚠️ Bougane Guèye : « Une diplomatie sans boussole »

Face à cette orientation, Bougane Guèye tire la sonnette d’alarme dans un communiqué au ton incisif intitulé « L’alignement farfelu du Sénégal derrière les juntes ! ». Le leader du mouvement Gueum Sa Bopp fustige ce qu’il perçoit comme une diplomatie parallèle, incarnée par les déplacements d’Ousmane Sonko vers des capitales dirigées par des régimes militaires.


Bougane rappelle que le Sénégal a bâti une diplomatie d’excellence, respectée sur la scène africaine et internationale, portée par des figures telles que Senghor, Wade, Diouf ou Macky Sall, mais aussi par des diplomates comme Ibrahima Fall ou Amadou-Mahtar Mbow. Selon lui, s’aligner sur des régimes issus de coups d’État revient à sacrifier cet héritage diplomatique sur l’autel d’une rhétorique révolutionnaire floue et imprudente.
 

🗣️ Yoro Dia : « Les putschistes ne sont pas des modèles »

 

Lors de la rentrée politique du Parti socialiste, Yoro Dia, politologue et ancien conseiller présidentiel, est allé plus loin. En s’en prenant ouvertement aux dirigeants de l’AES, qu’il qualifie de « vulgaires putschistes », il reproche à Ousmane Sonko de vouloir faire du Sénégal un allié objectif de régimes antidémocratiques.
 

Yoro Dia, fervent défenseur de l’héritage senghorien, insiste sur le fait que le Sénégal n’a pas à rougir d’être une démocratie : « Le Sénégal est la porte du continent, le pont entre l’Afrique noire et le Maghreb. Il est lié à l’Europe par les valeurs de la République. » Il voit dans le souverainisme de Sonko un vernis idéologique masquant un glissement vers l’autoritarisme.
 

⚖️ Deux visions de la grandeur

 

Le clivage entre ces positions révèle une fracture idéologique majeure au sein de la classe politique sénégalaise :

  • Pour Sonko, la grandeur du Sénégal repose sur l’autonomie stratégique et la rupture avec le néocolonialisme, quitte à assumer des alliances non conventionnelles.

  • Pour Bougane et Yoro Dia, cette grandeur découle du respect des règles internationales, de la tradition républicaine, et du rôle de médiateur régional que le Sénégal a historiquement occupé.


Derrière ce débat, une question fondamentale persiste : le Sénégal doit-il être le fer de lance d’un panafricanisme de rupture ou continuer à incarner un modèle démocratique stable et crédible sur la scène internationale ?
 

🧠 Un héritage à la croisée des chemins

 

Le Sénégal a longtemps été perçu comme un îlot de stabilité et de démocratie en Afrique de l’Ouest. Ce statut a été forgé grâce à des décennies d’efforts diplomatiques et institutionnels. Aujourd’hui, la tentation de redéfinir la souveraineté et de revisiter les alliances internationales pourrait redessiner les contours de cette image. Mais à quel prix ?


Le débat entre rupture idéologique et continuité diplomatique n’est pas nouveau, mais il n’a jamais été aussi vif. Il oblige les citoyens et les dirigeants à repenser collectivement le sens de l’indépendance, de la souveraineté et de la responsabilité régionale du Sénégal à l’heure des bouleversements géopolitiques.


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