Thiaroye 1944 : 81 ans après, la vérité se construit entre mémoire et fouilles archéologiques

Le lundi 1er décembre 2025, un vent frais semblait porter les échos d’une mémoire encore vive à Thiaroye, là où, 81 ans plus tôt, des tirailleurs sénégalais furent exécutés après avoir réclamé leurs droits. Face au monument dédié aux victimes de 1944, le président Bassirou Diomaye Faye et son homologue gambien Adama Barrow ont observé un long moment de recueillement avant de déposer des gerbes de fleurs.


Rédigé par Kamalenba le Lundi 1 Décembre 2025 à 19:39

La cérémonie, solennelle et chargée d’émotion, a rassemblé une large délégation venue de la sous-région. Parmi les personnalités présentes figuraient le vice-président de la Côte d’Ivoire, Thiémoko Meliem Koné, Komi Sélom Klassou, président de l’Assemblée nationale du Togo, ainsi que des représentants du Mali, des Comores, de la Mauritanie et du Tchad. Les forces de défense et de sécurité sénégalaises étaient également représentées, notamment par le général Mbaye Cissé, chef d’État-major général des armées, et le général Martin Faye, Haut commandant de la gendarmerie.

Les habitants de Thiaroye, gardiens infatigables de ce pan de l’histoire, ont salué les efforts du chef de l’État pour faire émerger la vérité sur les événements tragiques du 1er décembre 1944.

Un massacre longtemps occulté


À l’aube de ce jour sombre, l’armée française avait encerclé le camp de Thiaroye avec près de 1 200 soldats et des blindés. Les tirailleurs, démobilisés après avoir combattu en Europe, réclamaient simplement l’égalité de traitement avec les soldats métropolitains. Ils furent fauchés par des tirs nourris.

Pendant longtemps, l’histoire officielle a évoqué 35 morts. Le chiffre fut réévalué à 70 victimes en 2014, avant qu’Emmanuel Macron ne parle ouvertement de « massacre » en 2024. Pourtant, des zones d’ombre demeurent : nombre réel de victimes, lieux exacts d’inhumation, déroulement précis de la répression.

Fouilles archéologiques et découvertes bouleversantes

Pour répondre à ces interrogations, un comité de chercheurs a été créé en avril 2024. Les fouilles menées au cimetière de Thiaroye ont déjà mis au jour sept squelettes, certains mutilés ou retrouvés avec des chaînes aux tibias. Brodequins, bagues, boutons et pattes de collet ont également été exhumés, apportant des indices précieux sur l’identité et le sort des victimes.

Ces découvertes ont profondément marqué l’opinion publique et renforcé la détermination des autorités à poursuivre les investigations.

Un Livre blanc pour restaurer la vérité historique


« La vérité historique ne se décrète pas, elle se découvre excavation après excavation », a rappelé le président Bassirou Diomaye Faye, annonçant la poursuite des fouilles sur tous les sites susceptibles d’abriter des fosses communes.

Fruit d’un travail rigoureux de documentation et de concertation, le Livre blanc récemment présenté marque « une étape essentielle : celle d’un état des lieux objectif et méthodique », selon le Pr Mamadou Diouf, historien et président du Comité de commémoration.

Alors que certains chercheurs avancent le chiffre de plus de 400 morts, les travaux en cours devraient permettre de clarifier ce chapitre tragique de l’histoire sénégalaise et d’honorer dignement la mémoire de ces soldats africains tombés pour la France.

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