Resserrement Monétaire Silencieux en Zone UEMOA : Une Crise Latente à Surveiller de Près

Mardi 22 Avril 2025

Dans un contexte marqué par des tensions budgétaires, une inflation persistante et une demande croissante de financement, la zone UEMOA traverse une phase critique. Malgré une politique monétaire apparemment stable, les signaux d’un resserrement monétaire silencieux se multiplient, mettant les banques, les États et les marchés financiers sous pression.


Une rareté orchestrée de la liquidité bancaire

Depuis le second semestre 2022, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a progressivement modifié sa politique d’allocation de liquidité. En limitant les montants injectés lors des appels d’offres hebdomadaires, elle a instauré une tension inédite sur le marché monétaire, sans relever ostensiblement ses taux directeurs.

Les banques, dépendantes de ces adjudications, se retrouvent désormais en situation de stress. En 2021, elles bénéficiaient d’un surplus de 5 000 milliards FCFA. Aujourd’hui, le marché interbancaire est asséché, les taux interbancaires ont flambé au-dessus de 8 %, et l’accès aux financements est devenu un véritable parcours du combattant.

Une fragmentation des conditions de financement entre États

Cette tension s’est rapidement propagée aux marchés des titres publics. Alors que certains pays comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin arrivent encore à mobiliser des fonds, d’autres comme le Sénégal ou le Niger doivent proposer des taux très élevés pour séduire les investisseurs.

La conséquence ? Un risque croissant de fragmentation de la zone monétaire, qui pourrait nuire à l’unité de l’UEMOA et à sa capacité à assurer une convergence macroéconomique.

Des banques prudentes, mais asphyxiées

Face à la raréfaction de la liquidité, les banques adoptent une stratégie de prudence. Elles privilégient les bons du Trésor à court terme et limitent leurs engagements, notamment en matière de crédits au secteur privé.

Cette attitude renforce le phénomène de "thésaurisation bancaire" : les institutions financières conservent leurs ressources au lieu de les injecter dans l’économie, accentuant la crise de financement.

Des risques pour la croissance et la stabilité financière

La situation actuelle fait peser plusieurs menaces sur la zone UEMOA :

Un ralentissement de l’investissement public et privé,

Un accès réduit au crédit pour les PME et les ménages,

Une baisse potentielle de la croissance économique,

Une vulnérabilité accrue face aux chocs externes ou politiques.
Quelles solutions pour relancer la machine ?

Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour éviter une crise systémique :

Rééquilibrer la liquidité : La BCEAO pourrait ajuster ses interventions pour éviter une asphyxie durable du marché monétaire.

Soutenir les banques fragiles : Un renforcement ciblé des fonds propres et de la gouvernance bancaire est nécessaire.

Coordonner les politiques budgétaires et monétaires : Les États doivent adopter une discipline budgétaire cohérente avec les contraintes de la politique monétaire.

Créer un marché secondaire des titres publics : Pour améliorer la liquidité et la confiance des investisseurs.
Vers un nouveau modèle de politique monétaire ?

Cette crise silencieuse révèle un changement de paradigme dans la gestion monétaire de la BCEAO. Fini le temps de l’abondance. Place à une politique plus rigoureuse, où chaque injection de liquidité est mesurée, et chaque demande de financement est scrutée.

La question est désormais la suivante : la zone UEMOA est-elle prête à affronter ce nouveau monde de taux élevés, de refinancement restreint et de discipline financière accrue ?