Le phénomène des migrations d’enfants en Afrique de l’Ouest reste mal compris, souvent réduit à des logiques de trafic ou d’exploitation. Pour le Pr Aly Tandian, directeur du laboratoire GERMS à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, il s’agit au contraire d’une réalité sociale et culturelle complexe, que les politiques doivent intégrer avec plus de finesse.
🔸 Une pratique ancienne aux racines culturelles profondes
Selon le Pr Tandian, les migrations d’enfants ne relèvent pas seulement de causes économiques ou criminelles, mais s’ancrent dans des pratiques comme le confiage, historiquement utilisées pour garantir l’accès à l’éducation ou assurer la solidarité intergénérationnelle.
« Ces mobilités ont permis à des enfants de quitter des zones marginalisées pour rejoindre des villes offrant des opportunités scolaires et sociales », explique-t-il.
🔸 Une double réalité : entre entraide et exploitation
Si le confiage a des effets positifs — scolarisation, entraide familiale, adaptation aux changements climatiques — il peut aussi conduire à des dérives :
- Déscolarisation,
- Exploitation domestique ou agricole,
- Risque accru d’abus,
- Exposition à des problèmes sanitaires ou sécuritaires.
🔸 Les limites des analyses dominantes
Le chercheur critique les cadres épistémologiques occidentaux qui, selon lui, uniformisent et victimisent à outrance les enfants migrants, sans tenir compte des logiques endogènes.
« Il faut dépasser les approches globalisées et adopter des grilles de lecture micro-locales », insiste-t-il.
🔸 Des recommandations politiques concrètes
Le Pr Tandian appelle à une action politique ciblée et équilibrée, qui reconnaisse le confiage comme une pratique culturelle à encadrer, et non à criminaliser :
- Création de contrats familiaux supervisés,
- Suivi scolaire systématique des enfants confiés,
- Intégration des enfants migrants dans les politiques de développement,
Ratification de la Convention 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants (seuls 35 % des pays de la CEDEAO l'ont signée).
🔸 Mieux comprendre pour mieux agir
Enfin, le professeur souligne l’importance de la recherche participative, incluant les enfants dans l’élaboration des politiques publiques.
« Il faut créer des outils d’alerte communautaire et intégrer les voix des enfants pour sortir de la logique adulto-centrée », conclut-il.
Professeur Aly Tandian : « Les migrations d’enfants en Afrique de l’Ouest sont ancrées dans les pratiques culturelles »
Jeudi 19 Juin 2025
Directeur du laboratoire GERMS à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le Pr Aly Tandian revient sur les dynamiques complexes des migrations d’enfants en Afrique de l’Ouest. Il plaide pour une compréhension plus fine de cette réalité, enracinée dans les traditions, mais souvent mal analysée.
Kamalenba
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